C'est comme si, dans chaque homme, il y avait quelqu'un hors des limites de la raison et de la folie qui, témoin des actes raisonnables et insensés, les jugerait avec la même horreur et le même étonnement.
(William Faulkner)
Nos mœurs sont extrêmement corrompues, et penchent d'une merveilleuse inclination vers l'empirement ; de nos lois et usances, il y en a plusieurs barbares et monstrueuses ; toutefois pour la difficulté de nous mettre en meilleur état, et le danger de ce croulement, si je pouvais planter une cheville à notre roue, et l'arrêter en ce point, je le ferais de bon cœur :
"nous ne citons jamais d'exemples si honteux et si infâmes, qu'on n'en puisse trouver encore des pires." (Juvénal, Satires.)
(Michel Eyquem de Montaigne, Seigneur de Presque Tout)
J’ai de l’admiration pour celui qui détruit tout lorsqu’il écrit, à commencer par lui-même. Il faut un courage dont j’aurai trop souvent manqué. Les phrases qui anéantissent forment pourtant la plus agréable, la plus tonifiante des lectures, et sont probablement la marque du génie. L’éloge - de qui que ce soit ou de quoi que ce soit - est souvent fort ennuyeux.
Le créateur suprême détruirait la Terre - c’est d’ailleurs ce qu’il est en train de faire. Il est cependant dommage qu’il soit incapable de s’exprimer par écrit.
(3040)
En fait c’est dans son incertitude que réside largement la valeur de la philosophie. (...) Elle amoindrit notre impression de savoir ce que sont les choses, mais elle augmente notre connaissance de ce qu’elles pourraient être, elle détruit le dogmatisme arrogant de ceux qui n’ont jamais traversé le doute libérateur, et elle maintient vivante notre faculté d’émerveillement en nous montrant les choses familières sous un jour inattendu.
(Bertrand Russell)
« Il est étrange que l’idéologie qu’ici et maintenant nous nommons libéralisme repose sur ces deux éléments : avoir une vision très pessimiste de la nature humaine et, à la fois, croire que le meilleur pour tous consiste à supprimer le moindre obstacle aux ambitions individuelles. » Iñaki Uriarte exprime avec simplicité ce que j’ai toujours pensé. Le mystère demeure.
Le cousin de mon cousin est désormais mon cousin - ce qui est tout aussi étrange : ne pas aimer sa famille d’origine et vouloir en former une autre, que nous n’aimerions pas davantage si nous étions ensemble de façon régulière.
(3029)
Paul Jorion semble persuadé que l’Intelligence Artificielle est en mesure de sauver l’espèce humaine. Étant cependant dépourvue de toute forme d’instinct et de désir sexuel, quels conseils va-t-elle pouvoir nous prodiguer que nous serons capables de suivre ? Elle ne pourra nous comprendre, alors peut-être se contentera-t-elle de rédiger un rapport en nous observant, jusqu’à-ce qu’elle s’en lasse, et patatras.
(3024)
Il existe deux sortes de travail : le premier consiste à déplacer une
certaine quantité de matière se trouvant à la surface de la terre ou
dans le sol même ; le second à dire à quelqu’un d’autre de le faire.
Le premier type de travail est désagréable et mal payé, le second est agréable et très bien payé.
(Bertrand Russell)
J'avais conscience de moi. Or, seuls ont conscience d'eux-mêmes, seuls reconnaissent leur individualité, l'œil dans lequel vient de tomber une poussière, le doigt écorché, la dent malade. L'œil, le doigt et la dent n'existent pas lorsqu'ils sont saints. N'est-il pas clair, dans ce cas, que la conscience personnelle est une maladie ?
(Evgueni Zamiatine)
Rémi Mathieu relie Tchouang-tseu à Lewis Caroll. « Tous deux font l’apologie du nonsense, dit-il, le langage n’étant qu’une façon de se tromper soi-même et de tromper les autres. »
Il me semble que l’humanité s’approche avec lenteur de ce constat, mais il n’est pas certain qu’elle s'améliorera pour autant. Il se trouvera toujours ici où là quelques individus désirant « donner du sens » - à coups de hache, comme il se doit.
(3007)
Mon imagination me pousse à chercher refuge dans un lieu retiré comme celui-là, loin des déceptions qui me menacent, mais la raison me retient, et me murmure que le monde est toujours le monde, et l’homme ce même mélange de faiblesse et de folie qui doit tour à tour susciter l’amour et le dégoût, l’admiration et le mépris.
(Mary Wollstonecraft)